Foncier juridique
Arrêt du 30 avril 2024 : le Conseil d’État précise les conditions de mise en œuvre de la DUP «réserves foncièresUne sécurisation bienvenue du recours à la DUP réserves foncières
La Déclaration d’Utilité Publique (DUP) est une prérogative de puissance publique qui permet de procéder à des acquisitions foncières par la voie de l’expropriation. Elle est, dans le cas général, prononcée sur la base d’un projet d’aménagement précis, en vue de la réalisation de travaux.
Le Code de l’urbanisme (articles L221-1 et suivants) et le Code de l’expropriation (art R11-3-II) ouvrent cependant la possibilité de constituer un dossier simplifié de DUP pour « réserves foncières ». Deux cas sont alors possibles : soit la DUP vise à acquérir des immeubles, soit elle vise à réaliser une opération d’aménagement. Dans le premier cas la réserve foncière vise à définir le projet en lui-même, tandis que dans le second cas elle vise à sécuriser un projet dont les caractéristiques ne sont pas encore établies, mais représentant un enjeu important pour le territoire et nécessitant une maîtrise foncière urgente.
L’ampleur de l’atteinte au droit de propriété se justifie donc non pas par la précision avec laquelle est décrite le projet, mais par la cohérence de la démarche d’ensemble.
Dans son arrêt du 30 avril 2024, le Conseil d’État se place précisément dans une analyse de cohérence globale, afin de justifier le recours à la DUP. En effet, alors que la CAA de Bordeaux avait annulé la DUP portant sur la friche des « Chais Montaigne » à Angoulême au motif qu’aucune action ou opération d’aménagement n’avait été définie, le Conseil d’État a considéré qu’il était justifié d’y recourir car la maîtrise foncière était nécessaire pour préciser le programme d’aménagement. Il complète son raisonnement en citant la convention opérationnelle conclue entre les collectivités et l’EPF de Nouvelle Aquitaine et prévoyant la réalisation de diagnostics et actions de dépollution, considérant qu’il existait donc bien un projet d’action ou d’opération d’aménagement.
Cette nouvelle jurisprudence sécurise le recours à la DUP réserve foncière, rarement mise en œuvre ces dernières années, compte tenu du risque contentieux. D’une part, elle retient que la nécessité de réaliser des études pour préciser le projet d’aménagement peut justifier sa consistance sommaire au moment de la DUP. D’autre part, elle retient qu’un document tel qu’une convention opérationnelle prévoyant la réalisation de ces études et d’actions de dépollution démontre l’existence d’un projet d’aménagement.
Face aux nouveaux enjeux de l’aménagement, à la crise du logement et à l’impérieuse nécessité de recycler les friches, des outils de maîtrise foncière sûrs sur le plan juridique et efficaces dans leur mise en œuvre sont indispensable au bon déroulement de l’action publique. Cette jurisprudence récente ouvre de nouvelles portes aux acteurs de l’aménagement et appelle à une utilisation accrue de la DUP réserve foncière pour acquérir des biens aux enjeux complexes dont l’acquisition est nécessaire pour définir un projet d’aménagement.
• Hugo Thierry • Direction générale de l'Aménagement, du Logement et de la Nature
À retenirLe Conseil d’État, par son arrêt du 30 avril 2024, a précisé les critères permettant d’apprécier l’existence d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement justifiant le recours à une DUP réserves foncières. Il retient que les caractéristiques de ce projet peuvent être peu définies dans le cas où la maîtrise foncière est nécessaire pour le préciser, notamment par la réalisation d’études. Le Conseil d’État s’appuie sur l’existence d’une convention opérationnelle prévoyant la réalisation d’actions d’étude et de dépollution pour démontrer l’existence du projet.
Au sommaire : Le mot de Catherine Aubey-Berthelot, présidente de l’Observatoire Régional du foncier • Démarches et pratiques – Le difficile équilibre entre droit de propriété et intérêt général par Maître Frédéric Levy de DS Avocats – Le share deal : une progression à bas bruit • Foncier Juridique – Le share deal : une progression à bas bruit par Hugo Thierry • Direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature
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